Ah que coucou !
Une fois n’est pas coutume, aujourd’hui je poste toutes les pages restantes de cet illustré ce qui me permettra de vider un peu le disque dur de mon PC avant de scanner le numéro suivant… Donc aujourd’hui il y a 3 billets pour les 5 pages restantes…
Parmi celles-ci se trouvent les fameuses pages 8 et 9 (que vous voyez ci-dessus) qui m’ont posé de gros problèmes alors que la solution était toute simple… ce qui me fait poser la question suivante : « Pour quels motifs étranges l’être humain tente-t-il de compliquer une solution qui s’avère être fort simple ? Sommes-nous réellement tous masochistes ???? »
En tout cas voici ces 3 histoires (pour les 2 autres, sans présentation ;))
Bon courage pour les reconstituer (ne cherchez pas midi à 14 heures ! elles sont aussi simple à refaire qu’il le paraît….
Bisous,
@+
Sab
« - Voyons, ma petite Blanchette, me dit Mlle Roumiou, il faut avoir plus de courage ! Vous n’êtes plus un Baby, maintenant, car voici que vous allez avoir dix ans ! A tout prendre, votre oncle Camille n’est sans doute pas méchant qu’il en a l’air, et puis, vous finirez bien par retrouver votre oncle Lolo, pour qui vous paraissez avoir une préférence. J’ai cru comprendre que, pour l’heure, il est absent de France, en voyage en Extrême-Orient ; mais il reviendra, et alors, il vous prendra avec lui, et vous serez tran-quille : il faut avoir un peu de patience !
« Et elle m’embrassa pour me donner un peu de courage.
« Mais j’étais toute désespérée.
« Enfin, comme j’étais habillée, mademoiselle me quitta pour aller rejoindre mon oncle, comme il le lui avait commandé, et je demeurai à peu près une demi-heure toute seule, à pleurer, et à regretter les jours passés de ma toute petite enfance qui ne reviendraient plus, pour moi.
« Quand Mlle Roumieu revint, je remarquai qu’elle était tout pâle.
« - Qu’avez-vous ? lui demandai-je.
« - Rien, ma petite !
« - Je parie que mon oncle vous a fait de la peine ?
« Alors elle me gronda :
« - Pourquoi voulez-vous que votre oncle Camille m’ait fait de la peine ? Il faut perdre cette idée préconçue que votre oncle est un méchant homme.
« - Je ne l’aimerai jamais ! fis-je.
« - Comme je vous plains, Blanchette, si vous demeurez avec ces sentiments. Il faut au contraire vous apprendre à le chérir, car vous n’avez plus que lui !
« - Et mon oncle Lolo !
« Elle eut un geste de découragement.
« Puis :
« - En attendant, il va falloir nous dire adieu, petite Blanchette ! fit Mlle Roumieu bien tristement.
« - Nous dire adieu ?... Est-ce que vous allez me quitter, vous aussi ?
« Elle fit oui de la tête.
« Et moi, de me fâcher, lui disant :
« - Vous ne m’aimez plus… personne ne m’aime… que vais-je devenir, si vous ne demeurez plus auprès de moi… avec qui pourrais-je parler de Lucky-Cottage… et de mon papa et de ma maman…
« Et de nouveau mes larmes se mirent à couler.
« - Mon pauvre petit enfant, me dit Mlle Rou-
[FIN 1ère colonne]
mieu. je n’aurais pas mieux demandé de demeurer toujours avec vous. Mais je ne suis pas la maîtresse, moi ! Votre oncle vient de m’avertir que ni lui ni vous n’étiez assez riches pour garder une institutrice ! Alors, il faut bien que je trouve une autre place pour gagner ma vie.
« - Et moi, m’écriai-je égoïstement, que va-t-il faire de moi. Va-t-il donc me garder constamment avec lui ?
« - Non ! Justement votre oncle vient de me faire part, aussi, de ses projets à votre égard. Il va vous mettre en pension, à Londres ! Demain je partirai pour la France, et votre oncle vous conduira dans quelque Children School londonien, où somme toute, vous serez très heureuse avec des petites filles de votre âge, avec qui vous pourrez jouer tout à votre fantaisie.
« Cette idée de vivre avec des petites filles de mon âge, et surtout de ne pas demeurer avec mon oncle Camille, que décidément j’avais pris en grippe pour de bon, me consola un peu, et je n’éprouvais pas à me séparer de Mlle Roumieu tout le chagrin que j’aurais dû ressentir.
« Pourtant, le lendemain matin, quand, m’ayant habillée pour la dernière fois, elle m’embrassa et que je songeai que de longtemps, longtemps, je ne la reverrais plus, je pleurai bien fort, et, j’étais déjà dans le train, en face de mon oncle, que mes larmes n’étaient pas encore taries.
« Nous arrivâmes à Londres.
« Mon oncle avait sans doute arrêté toutes ses dispositions, car, à la station, il prit un cab, donna une adresse et nous voilà partis à travers la ville.
« Après une course de plus d’une heure, et avoir traversé sur un pont une belle rivière
[FIN 2e colonne]
que je sus depuis être la Tamise, le cab pénétra dans un quartier fort vilain, très populeux et sale qui était White-Chapel.
« C’était là, dans une noire et étroite ruelle que se trouvait la pension où mon oncle avait projeté de m’enfermer.
« La porte franchie, une petite fille haillonneuse nous introduisit dans une salle obscure et mal meublée, où bientôt, vint nous rejoindre une petite vieille, sèche et maigre, avec un bonnet sale d’où s’échappaient les mèches de ses cheveux grisonnants.
« Elle salua mon oncle, qui lui dit :
« - Miss Shad, voici la petite fille dont je vous ai parlé !
« - Qu’elle est mignonne ! fit Mrs Shad, et elle m’embrassa. Je remarquai qu’elle sentait l’alcool, et que sa joue râpait comme celle de papa, quand il avait oublié, le matin, de se faire la barbe.
« - Comment s’appelle-t-elle ? demanda encore Mrs Shad.
« - Alba Hearth ! répondit gravement mon oncle.
« - Mais non, m’écriai-je. Je m’appelle Blanche Delaire !
« Mon oncle m’écrasa sous un regard terrible et prononça :
« - Vous vous appelerez comme je veux !
« Mais Mrs Shad, passant sa main sale sur me cheveux, d’une voix doucereuse :
« N’est-ce pas la même chose ! (1)
« Puis, regardant mon oncle avec un clignement d’œil dont je ne pus saisir la signification, elle ajouta :
« - Puisque vous devez vivre désormais en Angleterre, ne vaut-il pas mieux anglicaniser votre nom !
« - Oui, fit mon oncle sévèrement et à l’avenir je vous prierai de vous souvenir que vous vous nommez désormais Alba Hearth ! Sans ça…
« Et il esquissa un geste de menace.
« Je baissai la tête, et ne répondis rien.
« Là-dessus, mon oncle, s’adressant à Mrs Shad, dit encore :
« - Alors, vous avez compris, n’est-ce pas, ce que je demande de votre obligeance ?
« - Parfaitement !
« - Je puis compter sur vous ?
« - Certes !
- D’ailleurs, souvenez-vous que mon ami Tom Hurdle me tiendrait au courant, à la moindre… erreur !
« - Votre honneur peut avoir pleine confiance ! répliqua Mrs Shad avec une révérence.
« Et là-dessus, mon oncle me baisa au front, froidement, si froidement que cette caresse me glaça, puis il tourna les talons, après m’avoir dit simplement :
« - Ma chère, tâchez de vous plaire dans cette maison !
« Ah ! Elle n’était guère plaisante, la maison de Mrs Shad. Il y avait une cour qu’on appelait le jardin, et qui avait plutôt l’air d’une
(1) En anglais Hearth signifie : Atre.
[FIN page 8]
puits, tant elle était sombre et humide ; jamais le soleil n’y parvenait, et au milieu, un pauvre tilleul haussait tant qu’il le pouvait ses pauvres petites branches, comme pour monter plus haut que la hauteur des murs et respirer un air meilleur.
« Dans cette cour où Mrs Shad m’introduisit, cinq ou six fillettes de mon âge s’amusaient tristement, et je remarquai qu’elles étaient maigres, chétives, et pâles, aussi, avec des figures moroses et renfrognées.
« Il est vrai que je tombais mal ; la nuit même, une petite pensionnaire de mon âge était morte, et à peine installée, je dus suivre le convoi de cette petite compagne que je ne connaissais point.
« Mais à vrai dire, la pension de Mrs Shad n’était point d’une gaîté folle ; Mrs Shad, pas plus que sa fille miss Dorothea, n’était une méchante femme, mais elles étaient pauvres, n’avaient pas les moyens de se payer une servante, ce qui fait que les élèves étaient obligées de travailler et de s’occuper tour à tour de tous les soins du ménage.
« Comme distraction, on nous conduisait parfois à Victoria Park, et c’était tout.
« Pourtant, je ne m’y ennuyais pas ; tout me paraissait préférable à l’idée d’aller demeurer avec mon oncle Camille, et chaque fois que je voyais arriver à la pension Master Hurdle, que je savais être l’ami de mon oncle, j’avais toujours peur qu’il ne me vînt chercher pour me conduire à lui.
« Pourtant, il n’était pas bien méchant, Master Hurdle, avec sa figure toujours mal rasée, ses grosses besicles, et son nez barbouillé de tabac. Même quelquefois, il m’apportait des bonbons. Une seule fois il se fâcha. Ce fut un jour que, le voyant d’excellente humeur, et tout badin, je lui demandai s’il n’était pas aussi l’ami de mon oncle Lolo.
« Alors, il leva les bras au ciel, fit sa grosse voix et prononça :
« - Miss Hearth, je vous défends de parler de votre oncle Lolo.
« Il y avait à peu près cinq mois que j’étais chez Mrs Shad, quand un matin, c’était il y a tout juste trois jours, miss Dorothea me dit :
« - Alba, mon enfant, vous allez venir avec moi faire une petite course, du côté de la Cité. Cela vous fera du bien !
« Tout heureuse de cette sortie, je courus mettre mon chapeau, et je suivis miss Dorothea.
« Mais au lieu de se diriger vers la Cité, elle prit la direction que je connaissais bien de Victoria Park.
« Nous y arrivâmes bientôt.
« Et là, voici qu’un gentleman, que je ne connaissais pas, et qui paraissait attendre miss Dorothea, vint vers nous, et s’adressant à Miss Dorothea :
[FIN 1ère colonne]
« - C’est là l’enfant ?
« - C’est elle ! répondit miss Dorothea.
« - All right ! fit-il.
« Puis, s’adressant à moi :
« - Voilà une petite fille, dit-il, qui va être bien contente ! Je suis sûr qu’elle me suivra avec plaisir, quand elle saura que je vais la mener à Paris !
« - A Paris ! fis-je. Non, non, je ne veux pas aller à Paris, si l’on me conduit chez mon oncle Camille !
« - Petite bête ! fit alors miss Dorothea. Ce n’est pas à votre oncle Camille que l’on va vous conduire, mais à votre oncle Lolo !
« Frappée de stupeur, je regardai miss Dorothea :
« - Est-ce possible ?
« Ce fut le gentleman qui répondit :
« - C’est exact ! Je suis un ami de votre oncle Lolo : John Muddy ! Vous ne connaissez pas John Muddy ? Il m’a prié de vous amener à lui, et j’espère que vous n’allez pas faire de difficulté pour me suivre ?
« - Si c’est pour rejoindre mon oncle Lolo, répliquai-je, je vous suivrai jusqu’au bout du monde !
« - Voilà une brave enfant, risposta Muddy. En ce cas, en route !
« - Au revoir, ma petite Blanche, fit miss Dorothea, et soyez toujours sage !
« Et, sans attendre de réponse, m’ayant embrassée, elle fila, ma laissant seule avec ce Muddy, et toute surprise de l’avoir entendue me nommer Blanche, comme autrefois.
« Mais je n’eus pas le temps de m’étonner davantage. Muddy m’avait prise par la main,
[FIN 2ème colonne]
puis, au sortir de Victoria Park, il héla une voiture et je l’entendis crier au cabman :
« - A Charing-Cross !
« Je savais que c’était le nom d’une station de chemin de fer.
« - Quoi, dis-je, nous allons partir tout de suite !
« - N’êtes-vous pas pressée de voir votre oncle !
« - Mais je n’ai pas dit au revoir à missis Shad, ni à mes petites amies…
« - Bah ! fit-il avec un geste d’insouciance.
« - Et ma malle ?
« - Miss Dorothea l’a déjà fait porter à la gare.
« D’ailleurs, nous arrivions à Charing-Cross.
« Là, comme nous pénétrions sur le quai, un grand garçon, qui fumait flegmatiquement sa pipe, s’approcha de nous, et s’adressant à Muddy :
« - C’est là l’objet ? fit-il.
« - Oui.
« - Tout a donc réussi ?
« - Tu vois !
« - Alors embarque.
« Je sus, pendant le voyage, qu’il s’appelait Paddy.
« Il était très gai, et jusqu’à Douvres, il ne fit que plaisanter et que rire.
« A Douvres, notre train s’arrêta tout juste devant le bateau qui devait nous conduire en France, et, nous allions tous les trois franchir la passerelle, quand un vieillard, passant rapidement près de nous, cria distinctement ces paroles à Muddy, sans même le regarder :
« - Les requins sont dans le port de Calais, et malheur aux thons qui s’y égarent ! Mais la passe de Saint-Valéry est libre et d’Hastings le thon va tout droit à Saint-Valéry !
« A ces mots, Muddy et Paddy se regardèrent.
« Puis, ils virèrent les talons, et, au lieu de s’embarquer dans le bateau, ils m’entraînèrent vers la gare, où, une demi-heure après, ils me firent monter dans un train en partance pour Salisbury. Mais ils s’arrêtèrent à Turnbridge, et là prirent un autre train pour Hastings, où nous n’arrivâmes qu’à la nuit.
« Il fallut donc passer la nuit à Hastings, et ce ne fut que le lendemain, après déjeuner, qu’un bateau de pêche nous conduisit à Saint-Valéry.
« Toutes ces hésitations, tous ces changements d’itinéraire n’étaient pas sans me surprendre un peu. Mais j’étais toute à la joie de revoir bientôt mon cher oncle Lolo et j’avais hâte d’arriver à Paris.
« Il fallait encore coucher à Saint-Valéry, car le train pour Paris était parti quand nous débarquâmes ; mais le lendemain, d’assez bonne heure, m’assura Muddy, nous prendrions le train du matin qui nous amènerait à Paris avant midi.
(A suivre.)