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18 juin 2012

von Goethe : sa biographie

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Portrait de Goethe d’après Delacroix

 

Ah que coucou !

 

Voici un écrivain que j’adore en version originale… Jusqu’à présent, j’ignorais que s’était glissé un ouvrage, traduit en français, de ce grandissime écrivain dans ma bibliothèque… cet ouvrage, étant un livre ancien dont la date m’est parfaitement inconnue, regroupe 4 œuvres de Goethe qui sont les suivantes :

 

ü Werther

ü Hermann et Dorothée

ü Faust

ü Mignon

 

accompagnées par quelques-uns de ses poèmes…

 

 

Etant très ancien, l’identité du/des traducteurs m’est totalement inconnue et nous allons découvrir ensemble si les traductions ont été bien faites en comparant avec ce que j’ai lu en allemand – je n’ai pas encore eu le temps de lire tout le contenu de ce livre ;) je ne peux donc, pour le moment, me prononcer…

 

Je vais donc les numériser en même temps que je prendrais connaissance de ce livre (ça me changera beaucoup ;)).

 

Cet ouvrage regroupant de nombreuses gravures risquerait d’être bien trop lourd pour que je puisse le mettre en ligne sous format pdf. C’est pour cela que je vous propose, exceptionnellement, d’insérer la totalité de cet ouvrage directement sur les billets. Ce qui sera fait œuvre par œuvre. Par contre j’aurais besoin que vous me disiez si vous préférez que Werther, par exemple, soit découpé par lettre, par partie ou qu’il soit posté en un seul morceau ?

 

En attendant vos avis, voici la biographie tirée de cet ouvrage et signée par A.B. (j’avoue ignorer qui se cache sous ces initiales. Quelqu’un aurait une idée par hasard ?) qui m’a fait bien sourire. Non pas que la biographie soit très différente par rapport à une autre, mais nous voyons là une certaine méconnaissance des Français au sujet des Allemands ;)… je m’explique..

 

Cela nous vient, à nous Français, du fait que la France soit unifiée depuis plusieurs siècles alors que l’Allemagne ne l’a été la première fois qu’en 1870 et avant cette date, pendant que Goethe vivait, par exemple, elle était découpée en plusieurs petits états germaniques qui se faisaient souvent la guerre et où l’on parlait allemand différemment d’un état à l’autre… même aujourd’hui, quand nous voyageons à travers l’Allemagne, nous continuons à entendre cette différence linguistique. Donc, avant Goethe, il n’y avait pas encore eu l’unification de la langue allemande qui n’était alors qu’un regroupement de dialectes germaniques…

 

Goethe & Schiller ont été chargé d’unifier la langue et ils sont les inventeurs de ce que les Allemands nomment aujourd’hui le Hochdeutsch (l’allemand officiel), qui n’est, en réalité, qu’une langue artificielle créée à partir de nombreux dialectes germaniques, surtout celui qui était parlé à Prague,

 

En lisant cette biographie et en connaissant ce lourd travail qui a été ordonné à ces 2 grands personnages de la littérature allemande, vous comprendrez aisément où j’ai souri et pourquoi je peux vous annoncer que les recherches sur la vie de Goethe sont assez anciennes et que Mme de Staël (°1766 – † 1817), nommée comme source au démarrage, qui fut la première à se concentrer sur Goethe et son œuvre, a simplement oublié de se concentrer sur l’environnement politique et linguistique de l’Allemagne de son temps (qui explique de nombreuses choses chez Goethe) ce qui est normal chez les Français qui pensaient que la vie en Allemagne devait se dérouler comme celle des Français ;) – mais non, en Allemagne il existe quelques différences, encore aujourd’hui, par exemple dans le système politique, dans le système scolaire, dans le système social, dans le système de la santé, etc ;)… et il faut bien se mettre dans la tête que le Français fait une grossière erreur quand il croit que « c’est comme ça à l’étranger, parce que ça se passe comme ça en France »…

 

Bisous,

@+

Sab

 

 

Goethe-02

 

L’écrivain français qui le mieux et le premier a porté sur l’œuvre de Goethe un jugement d’ensemble préparé par ses consciencieuses études sur l’Allemagne, Mme de Staël, a dit justement que Goethe pourrait représenter la littérature allemande toute entière.

« Certes d’autres écrivains de ce pays sont supérieurs à lui sous quelques rapports, mais seul il réunit tout ce qui distingue l’esprit allemand ».

Eclatant est ce mérite, mais le fils illustre dont tout son peuple célèbre pieusement, chaque année, l’anniversaire de la naissance, a droit à un hommage d’autant plus grand que son œuvre a été un acte d’affranchissement pour sa patrie.

L’Allemagne, lorsque Goethe commença à penser, était, dans le domaine des lettres, tributaire des idées des autres. Son génie la délivra du tribut payé par ses poètes, ses philosophes et ses savants aux pays voisins, à l’Italie, à l’Angleterre, à la France.

Il donna une forme nationale aux rêves, aux désirs, aux idées allemandes. Ses créations furent fécondes et ses victoires définitives ; quoique toute comparaison soit sur ce terrain difficile et délicate, sa gloire lui a mérité au-delà des Vosges une reconnaissance éclatante. Ses écrits, aussitôt qu’ils parurent, franchirent les frontières ; l’art n’a point de patrie.

Il peut être universellement honoré et sa vie offre plus d’un exemple utile à retracer.

 

*

***

 

Johann Wolfgang von Goethe naquit le 28 août 1749 à Francfort-sur-le-Main.

Sa famille appartenait à l’aristocratie bourgeoise d’Allemagne. Son père, d’esprit très cultivé, jurisconsulte éminent, était le conseiller de l’Empire.

Sa mère appartenait au même monde. Elle était fille de l’échevin Textor. Cœur plein de tendresse et de douceur, elle se plaisait à répéter, devenue vieille, qu’elle n’avait cherché à « corriger personne, qu’elle n’avait offensé âme qui vive ».

Sa bonté s’alliait à une intelligence très vive et comme elle était fort instruite, elle aussi, elle se voua avec passion à l’éducation de son fils. Presque tous les hommes de génie ont eu leurs premières pensées ainsi échauffées au foyer maternel. Après avoir éveillé en son fils le goût, elle devina son génie naissant, et pour développer son imagination elle se plut à lui conter de merveilleuses histoires dont elle interrompait soudain le récit afin qu’il pût les achever lui-même. Le père avec ordre et méthode se chargea des études classiques, apprit à l’enfant le français et l’italien.

Wolfgang n’avait que dix ans lorsqu’en 1759 les Français, au cours de la guerre de Sept ans, occupèrent sa ville natale. Quelques-uns d’entre eux, pour charmer les loisirs de la garnison, organisèrent des représentations théâtrales. On jouait, sous des tentes, des comédies de Marivaux et de Destouches. L’écolier, qui déjà déclamait quelques vers de Racine, se plaisait à ces représentations, comme à son âge, William Shakespeare, près des tréteaux d’une troupe de comédiens errants.

 

*

***

 

Quand il eut seize ans il s’en fut à Leipzig pour faire son droit. Il l’étudia comme beaucoup de nos étudiants à Paris, consacrant au plaisir beaucoup plus de temps qu’à ses cours. Il prenait pension chez une veuve dont la fille était fort jolie. L’admiration qu’il eut pour elle le décida à exprimer ses pensées en vers. Les trois années qu’il passa à l’Université furent donc presque perdues pour le droit, mais pas entièrement pour la poésie.

Il revint en 1768 à la maison paternelle, y passa deux ans, puis alla à Strasbourg pour reprendre ses études de droit, si incomplètes.

Déjà il savait mieux l’histoire de la littérature allemande et rêvait vaguement de lui rendre un peu d’éclat.

A Strasbourg il connut Herder, qui l’initia à la poésie primitive, lui en fit comprendre la grandeur et lui apprit à aimer avec la Grèce les maîtres anciens.

Ensemble ils accueillirent les chants populaires de l’Alsace. Seul il s’éprit de la fille d’un pasteur ; ce fut la passion la plus vive de sa jeunesse. Nous lui devons ses premiers poèmes lyriques.

En 1771, l’étude du droit était cependant terminée. Le père rappela à Francfort le jeune docteur, qu’il envoya quelques mois plus tard à Weimar pour l’essayer à la pratique du droit, près de la Chambre impériale qui y siégeait.

C’est là que Goethe connut Charlotte, l’immortelle héroïne du drame de Werther, dont nos lecteurs trouveront plus loin toute l’histoire vraie ; c’est la préface de l’ouvrage, dans notre livre.

Après avoir fui Charlotte, après quelques pérégrinations en Suisse et sur le Rhin, après un projet de mariage avec la fille d’un banquier de Francfort, le poète se fixa à Weimar.

 

*

***

 

Lorsque que Goethe arriva à la cour de Weimar, l’esprit de Wieland y régnait.

A. Bossert, qui avec autant de soin que de goût a étudié la littérature allemande, a justement remarqué que Wieland fut en Allemagne, pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’écrivain favori des hautes classes, qu’il détacha peu à peu du culte exclusif de la littérature française.

C’était un esprit fin formé à l’école de Voltaire, mais pénétré de la grâce attique. Avec lui l’on ne sortait pas de la tradition française et l’on restait du moins fidèle à la langue nationale. Ses romans et ses contes en vers étaient la lecture favorite des petits cours, où l’on goûtait peu les Souffrances de Werther et le drame de Goetz de Berlichingen.

« Wieland fixa la littérature nationale à Weimar ; il prépara le terrain à Goethe, à Herder et à Schiller ».

Goethe vint à Weimar en 1775 avec le jeune souverain du duché Charles-Auguste, qui venait de se marier et dont il était déjà l’ami.

« Le duc était alors très jeune, a écrit le poète, qui lui non plus n’avait pas encore dépouillé la turbulence de ses jeunes années ; et il faut avouer que nous faisions un peu les fous. Il ne savait quel emploi faire de ses forces et nous fûmes souvent sur le point de nous casser le cou. Courir à bride abattue par-dessus les haies, les fossés et les rivières, se fatiguer pendant des journées entières à monter et à descendre les montagnes ; passer ensuite la nuit à la belle étoile, camper auprès d’un feu dans un bois, c’étaient là ses goûts. Avoir hérité d’un duché, cela lui était indifférent, mais il aurait aimé à le gagner, à le conquérir, à le prendre d’assaut… Il était né grand homme, il avait plusieurs des qualités essentielles d’un prince : il savait distinguer le mérite ; il voulait sincèrement le bonheur des hommes ; enfin il était doué d’une sorte de divination qui lui faisait découvrir d’instinct le parti à prendre… Au commencement, je ne le nie pas, il m’a donné bien du mal et il m’a causé bien des inquiétudes, mais c’était une forte et excellente nature qui s’épura vite et se façonna si bien que ce fut un plaisir de vivre avec lui. »

Goethe fut son conseiller, pour ainsi dire, son associé dans le gouvernement. Il avait le titre de conseiller de légation avec un traitement de 1200 Thalers, mais son vrai titre était celui d’ami.

Il n’était venu à Weimar, où la société littéraire fut si brillante qu’il y a toute une littérature weimarienne, il n’était venu dans cette petite ville que pour peu de temps ; il s’y fixa.

Un jour, c’est Bossert qui conte l’anecdote, un jour Goethe se promenant avec le duc sur la route qui conduit le long de l’Ilm, s’arrêta devant une maison agréablement entourée de bosquets et de prairie. Il prit plaisir à regarder la jolie habitation : c’était la propriété du secrétaire Bertuch.

Le lendemain le duc fit venir Bertuch et lui dit ce qu’un autre souverain dit un jour au meunier de Sans-Souci : « Il me faut ta maison ».

Bertuch résista : il venait d’acheter sa propriété et il en jouissait à peine ; mais il céda quand le duc lui promit de lui en procurer une plus belle.

Goethe prit possession de la gracieuse villa, bien modeste cependant : ce fut sa maisonnette du jardin Gartenhaeuschen, où il demeura sept ans, hiver comme été, avant d’habiter la maison qui a gardé son nom à l’intérieur de Weimar. La solitude y était complète ; ce n’était qu’un horizon de verdure. C’était là que le poète revenait après une journée partagée entre Wieland, Charles-Auguste, Mme de Stein et la duchesse Amélie. « Il est si charmant, s’écrie Wieland, qu’il nous a tous ensorcelés ». Et les fêtes succédaient aux mascarades.

« Il ne nous manque que les Charlotte », disait malicieusement une grande dame. La Charlotte ne tarda pas à être remarquée ; ce fut Mme de Stein, que Goethe a vraiment aimée et dont il dit qu’elle l’a calmé, apaisé, purifié, ennobli.

 

*

***

 

Ses occupations sont nombreuses, ses travaux variés.

Il voulait essayer du gouvernement, ce qu’on lui a reproché sous prétexte qu’il devait consacrer aux lettres son génie tout entier. Son énergie vitale pouvait suffire à différente tâches.

Plein de pitié pour la misère des campagnes appauvries par les guerres, il se fit l’ami du paysan et de l’artisan. Il organisa un service de secours pour protéger contre les incendies, les villages presque tous construits en bois. Il parcourait le pays à cheval, secourant l’agriculteur, soutenant l’usinier. Il fit rouvrir les mines qui devinrent pour la contrée une source de fortune.

Cela ne l’empêchait pas de produire des drames, de s’absorber dans l’étude des plantes et des minéraux, d’écrire les premiers livres de Wilhelm Meister de mener de front vingt entreprises, avec une mobilité passionnée.

L’Académie d’Iéna, ayant perdu un grand nombre de ses membres les plus illustres était sur le point de périr. Goethe, informé du danger, interrompt ses travaux, rassemble les professeurs nécessaires, donne à l’œuvre une impulsion nouvelle et féconde. Muni de pleins pouvoirs, il abat les murs de la vieille bibliothèque mal organisée, achète des terrains et reconstruit un nouveau monument où bientôt des amas de volumes sont clairement classés dans des salles superbes et bien aménagées. Il élève un observatoire, fonde une école vétérinaire, crée une école de dessin modèle, encourage partout l’esprit d’ordre et d’activité.

Rien ne lui échappe, tous les talents sont encouragés par lui, et ceux qu’il découvre ou qu’il signale deviennent aussitôt l’objet de la sollicitude et de la protection du grand-duc.

Il dirigeait le théâtre de Weimar, et avec le grand-duc présidait aux répétitions des chefs-d’œuvre de son ami Schiller dont le génie différent égalait presque le sien.

Touchante et grande fut cette amitié que rien ne troubla.

Esprit méthodique, d’une régularité absolue, possédant un amour de l’ordre presque exagéré, Goethe était levé dès l’aube et ne se reposait qu’en changeant d’occupation. Peu à peu paraissent Egmont, Iphigénie, Torquato Tasso, Wilhelm Meister, les Elégies romaines, la Campagne de France, le Poème du Renard, Reineke Fuchs.

Lorsqu’on étudie la vie de Goethe, a écrit le baron Henri Blaze de Bury, on en admire partout la grandeur ; partout le calme, partout la dignité souveraine. « La vie de Goethe est une épopée dans une forme antique, où l’objectivité domine. Tout s’enchaine avec goût, se succède avec méthode, se coordonne harmonieusement. Cela est beau parce que cela est simple ; et, chose étrange, du commencement jusqu’à la fin, l’unité ponctuelle de cette existence ne souffre pas la moindre atteinte ».

 

*

***

 

Cependant l’illustre Goethe épousa une servante.

Elle était jeune, accorte, fraîche, d’une réelle beauté. Un beau matin elle vint lui demander une recommandation ; elle lui plut ; il la prit avec lui, puis dédaignant les femmes éprises de son génie, il l’épousa. Elle s’était donnée simplement à lui et l’adora naïvement toute sa vie, s’efforçant de lui rendre la vie agréable, facile, s’appliquant tout entière à l’envelopper de soins, d’égards, d’attentions. Elle ne chercha pas à gravir les sommets intellectuels. « Qui pourrait croire, disait un jour Goethe à ses amis, qui pourrait croire que cette personne a déjà vécu vingt ans avec moi ? Ce qui me plaît en elle, c’est que rien ne change dans sa nature, et qu’elle demeure telle qu’elle était ».

Lorsque Goethe descendait des sphères de la pensée, il était bien aise de se laisser adorer et choyer par cette femme de la terre pour qui il était un Dieu et qui, restée la douce et belle servante, savait se tenir à sa place et choisir son monde sans prétendre s’imposer à celui de son mari.

Et puis elle lui avait donné un fils unique, un héritier de son nom. Malheureusement ce jeune homme qui, au sortir de l’adolescence avait déjà la haute taille de son père, fut à la fleur de l’âge fauché par la mort.

Son père l’adorait, quoiqu’il n’eût rien de son intelligence et que Wieland l’appelât avec raison le fils de la servante, der Sohn der Magd.

 

*

***

 

Maintes fois on a fait remarquer que les deux Titans parvenus au commencement du XIXe siècle à l’apogée de la gloire, Napoléon et Goethe, furent également frappés dans leur postérité.

Celui-ci, après avoir disputé son fils à la mort, écrit le lendemain à Zelter, son ami : « Désormais la grande idée du devoir nous maintient seule et je n’ai d’autre soin que de me maintenir en équilibre. Le corps doit ; l’esprit veut ; et celui qui voit le sentier fatal prescrit à sa volonté n’a jamais grand besoin de se remettre ».

Il reprend ses travaux trop longtemps interrompus et s’y absorbe tout entier. Il faillit succomber à cet effort qui détermina une hémorragie d’une extrême violence. Déjà il avait pris ses dispositions dernières et toute espérance semblait perdue, mais il n’avait point achevé son œuvre et sa volonté fut plus forte que le mal.

Faust était encore incomplet, il l’achève enfin, scelle le manuscrit d’un triple cachet, se dérobe aux félicitations de ses amis et va chercher à Ilmenau le calme profond des bois, l’air pur des montagnes qui lui donnent une vie nouvelle.

Il achève sa remarquable étude sur la théorie des couleurs, analyse la nature de l’arc-en-ciel, étudie la tendance des planètes à monter en spirale, et se sent, dit-il, « environné, assiégé par tous les esprits qu’il évoque ».

On a souvent reproché à Goethe ses manières trop aristocratiques ; on l’a représenté toujours vêtu d’habits de cour, d’uniformes chamarrés d’or et de soie. Il est certain qu’il avait conscience de sa grandeur personnelle, de la dignité où l’avait élevé la confiance de son souverain ; mais il se contentait de porter un frac noir, avec une seule plaque sur la poitrine, et ses manières étaient simplement grandes. Il aimait à prouver son érudition et son esprit et se montrait près des femmes d’une galanterie très aristocratique qui lui seyait à merveille et les séduisait aisément.

Chez lui on le trouvait en robe de chambre, le cou nu comme Balzac, la tête recouverte, travaillant sur une petite table encombrée de livres ou de bocaux nécessaires à ses études d’histoire naturelle. L’été il travaillait dans son jardin, un jardin dont il était fier à cause de la splendeur des roses qu’ils se plaisait à arroser lui-même.

Il voulait tout savoir, et quoiqu’il ait prêté tant de railleries au docteur Faust à cause du vain amas des connaissances, ses travaux scientifiques ont été fort utiles à l’humanité, et plus que son œuvre littéraire, gigantesque pourtant, son œuvre savante fut féconde.

Intéressante entre toutes, pour ne citer que celle-là, est son étude sur la composition vertébrale de la tête des mammifères.

Sa vie, après 1805 qui lui enleva Schiller, n’offre pas d’incidents.

Les sciences naturelles furent la dernière préoccupation de Goethe.

Le 2 août 1830, le biographe Bossert cite cette anecdote, le jour à la nouvelle de la révolution de Juillet arrivait à Weimar, Eckermann lui faisait sa visite habituelle.

- Eh bien ! lui cria Goethe en le voyant entrer, que pensez-vous de ce grand événement ? Le volcan a fait explosion ; tout est en flammes.

- C’est une terrible aventure, répondit Eckermann. Mais, pouvait-on s’attendre à une autre fin, avec un tel ministère ?

- Je crois que nous ne nous entendons pas, mon bon ami, répliqua Goethe. Il s’agit bien de cela ! Je vous parle de la discussion qui a éclaté à Paris en pleine Académie, entre Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire ».

Et, continuant de développer une idée qui lui était chère, il se remit à parler de la méthode synthétique et de la méthode analytique, l’une vivante et compréhensive, et embrassant les ensembles, l’autre amassant péniblement des détails sans réussir à les animer. Et il s’applaudissait d’avoir trouvé en France un esprit de la même famille que lui, et qui, ajoutait-il modestement, le dépassait.

Ce n’est pas le moindre titre de gloire de l’auteur de Faust d’avoir été le précurseur de Geoffroy Saint-Hilaire.

Il prenait part aux grands travaux scientifiques de l’Europe, entretenait une correspondance continue avec Guillaume de Humboldt, Zelter, le comte Gaspard de Sternberg.

Ainsi s’écoulèrent ses derniers jours, dans une sereine activité qui se termina une année après le Faust, objet de l’effort de sa vie entière.

Son œuvre était terminée.

Un matin, au printemps, assis dans son cabinet de travail, il songeait, non sans fierté, à sa tâche accomplie. La nature s’éveillait, les fleurs naissaient sous un gai soleil. C’était la jeunesse et c’était la vie.

Il se leva pour ouvrir la fenêtre, afin de laisser entre cette joie, et ce fut la mort qui entra.

Il retombe immobile sur son fauteuil, fit dans le vide le geste d’écrire, puis murmura ces mots : « Dass mehr Licht hereinkomme, Qu’il entre plus de lumière ! »

Il rendit ainsi à Weimar le dernier soupir. C’était le 22 mars 1832.

Il avait vécu le même nombre d’années que Victor Hugo.

On l’enterra dans la chapelle grand-ducale de Weimar, entre le prince Charles-Auguste, son protecteur, et Schiller, son ami et son frère d’armes dans les batailles littéraires du commencement du XIXe siècle.

 

*

***

 

La mort ! Il en avait l’horreur. « Elle est, dit-il à Wieland, un pitoyable peintre de portraits. Je veux conserver, dans mon souvenir des êtres que j’ai chéris, quelque chose de plus animé que ce masque affreux qu’elle leur pose sur le visage. Aussi me suis-je bien gardé d’aller voir, après leur mort, Herder, Schiller et la grande-duchesse Amélie. »

Il était, à vrai dire un philosophe païen, amant passionné de la vie, épris du beau, épris des roses, un païen spiritualiste qui pour concilier ses contraires croyances affirmait que la nature n’est pas si folle que d’agglomérer de se intelligentes particules pour les disperser ensuite à tous les vents et détruire ainsi le faisceau lié et maintenu par elle.

Il fit au reste comme presque tous ceux dont l’intelligence et le savoir grandissant avec l’âge, il fit son évolution en réalité spiritualiste.

Sa compréhension du système des mondes en est la preuve. Selon lui, « chaque soleil, chaque planète porte en soi une intention plus haute, une plus haute destinée en vertu de laquelle ses développements doivent s’accomplir avec ordre. C’est toujours la même métamorphose, la même faculté de transformation de la nature qui tire de la feuille une fleur, une rose, de l’œuf un chenille, de la chenille un papillon. Les mondes inférieures obéissent à une monade supérieure, et cela, non pour leur bon plaisir, mais uniquement parce qu’il le faut. »

Telle fut la doctrine que Victor Hugo se plaisait à exposer à la fin de sa vie : il concevait une migration des âmes dans des planètes où l’esprit par degrés s’approche de la perfection infinie.

Et voici ce qu’écrivait Goethe : « Continuons d’agir jusqu’à ce que rappelé par l’Esprit du monde, un peu plus tôt, un peu plus tard, nous retournions dans l’éther ; puisse alors l’Etre éternel ne pas nous refuser des facultés nouvelles analogues à celles dont nous avons eu déjà l’usage. S’il y a joint paternellement le souvenir et le sentiment ultérieur du bien que nous avons pu vouloir et accomplir ici-bas, nul doute que nous ne nous engrenions d’autant mieux dans le rouage de la machine universelle… Nul être ne peut tomber à néant. L’Eternel s’émeut en tout. Tu es ; tiens-toi heureux de cette idée. L’être est éternel, car des lois conservent les trésors de vie dont se pare l’Univers. »

La science l’a conduit à l’hypothèse mais il se garde des négations.

 

*

***

 

En politique, les croyances de Goethe se sont aussi maintes fois modifiées. On a bien souvent conté que le soir de la bataille de Valmy, comme il se trouvait, en 1792, dans le camp prussien avec le duc de Weimar, il lui dit : « De ce lieu et de ce jour date une nouvelle époque dans l’histoire du monde et vous pouvez dire : « J’y étais. »

Il semble que ce soit un de ces mots arrangés après coup, dont on enrichit la mémoire des grands écrivains à qui l’on prête les prévisions les plus fantastiques parfois. Goethe ne jugea ce fait historique que trente ans plus tard, lorsqu’il écrivit la Campagne de France.

A ses yeux le gouvernement doit être toujours une harmonie résultant des droits du souverain et des devoirs du peuple dignement compris. Il est loin, on le voit, du « peuple souverain ».

« Les hommes faibles, dit-il, ont souvent des idées révolutionnaires ; ils pensent qu’ils se trouveraient mieux de n’être pas gouvernés, et ne pensent pas qu’ils sont incapables de se gouverner eux-mêmes. »

Réfléchissant il ne tarda pas à se détacher des œuvres de la Révolution française qui l’avait enthousiasmé d’abord. « Je hais, écrit-il plus tard, je hais les bouleversements violents. On détruit par là autant que l’on gagne. Je hais ceux qui les accomplissent autant que ceux qui les rendent inévitables… Tout ce qui est violent et précipité me répugne dans l’âme ; cela n’est pas conforme à la nature… Je suis l’ami des plantes et j’aime la rose comme la fleur la plus parfaite que produise notre ciel allemand ; mais je ne suis pas assez fou pour vouloir que mon jardin me la donne à la fin d’avril. Je suis content de trouver aujourd’hui les premières feuilles vertes et je le serai encore lorsque je verrai de semaine en semaine les feuilles continuer à former la tige ; je le serai davantage quand le bouton se dégagera au mois de mai, et je serai heureux enfin si juin me présente la rose avec sa magnificence et son parfum. Mais celui qui ne sait pas attendre, qu’il aille dans une serre chaude. »

Après avoir de la sorte désapprouvé l’œuvre violente de la Révolution, qu’il retrace dans Hermann et Dorothée, Goethe blâmera l’œuvre de Napoléon.

Il croyait à une Restauration des Bourbons, l’Empire le surprit et l’éblouit d’abord. Il assista aux fêtes d’Erfurt en qualité de ministre du duc de Weimar et, en 1808, eut un entretien avec l’Empereur, dont il dit, a-t-on raconté : « Enfin ! j’ai vu un homme ! »

Mais il admira le génie de Napoléon plutôt en artiste qu’en homme politique et vit surtout en lui un grand déploiement de force intellectuelle. L’abus de cette force le révolta. Toutefois, malgré les sollicitations les plus nombreuses et les plus pressantes, il ne consentit jamais à écrire des chants de guerre contre la France. A ceux qui le sollicitaient de mettre son génie au service de la haine, il répondait : « Je ne hais pas les Français. Comment pourrais-je haïr une nation qui compte parmi les plus civilisée de la terre ! »

Sachons-lui gré de cette parole qui n’eut point, hélas ! assez d’écho dans les cœurs allemands et, au nom de la science, au nom des lettres, rendons hommage au génie de Goethe.

 

A. B.

 

Goethe-03

 

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